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Paroles de la chanson «L'adieu» par Tri Yann

Acte 3 : L'Adieu

Ma trĂšs chĂšre Jeanne,

Je commence par t'annoncer que depuis le 23 écoulé, je n'ai pas eu de lettre de toi ; je sais cependant que deux lettres sont venues à Saint-Martin-de-Ré à mon nom. Toutes deux ont été retenues par M. le Directeur, donc je suis sans nouvelles de toi. Le départ est fixé le 7 avril et je suis du nombre. Dans 9 jours donc ma trÚs chérie, je dirai adieu à la France de laquelle il ne peut me rester un bon souvenir. Et cependant comme je te l'ai déjà dit, dans mon éternelle existence, pour toi sera mon dernier soupir.
Aujourd'hui je te dis adieu parce que je ne te verrai plus, pas plus que mes chers petits enfants auxquels je n'Ă©cris pas particuliĂšrement car cela ne ferait qu'augmenter leur douleur. Tu les embrasseras de toutes tes forces pour moi, et leur diras tout ce que contient mon cƓur pour eux, car je sais que mes expressions ne pourront jamais ĂȘtre aussi claires que ce que tu devineras toi-mĂȘme.
Celle-ci est la derniÚre lettre que je t'écris de France. J'ajoute de la France car on ne sait jamais, tu n'ignores pas que le voyage qu'on va me faire entreprendre est terrible surtout dans les conditions que nous le faisons. Mais sois convaincue que la mort pour moi n'est rien, c'est plutÎt une délivrance, surtout pour qui ne peut rien espérer.
Je t'en prie, ma trĂšs chĂšre Jeanne, n'essaie pas de venir voir mon dĂ©part car notre douleur serait trop horrible, pour l'un et l'autre, cela a Ă©tĂ© de mĂȘme pour tous ceux qui ont quittĂ© dans les mĂȘmes conditions.
je te dis donc encore une fois adieu ! Adieu, adieu et adieu ! Au ciel !

Guillaume.

TELEGRAMME - origine, Morlaix n°78 - nombre de mots, 42 ; date, 6 - 4 - 27 ; heure du depÎt, 14 h 25.

-> Saint Martin-de-Ré (Charpente-Inférieure) 7 - 4 - 27.

Reçu nouvelle trop tard. Pars heureux mon Guillaume. Rien n'est plus beau comme la mort d'un martyr. Emporte mon cƓur. Ne l'abandonne jamais. La lutte continue. Serai ferme jusqu'à la mort. Sans adieu.

Marie-Jeanne

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Explications données par le groupe :

L'affaire Guillaume Seznec :
(L'affaire en 6 actes : Le voyage - Le procÚs - L'adieu - Le bagne - La délivrance - Seznec est innocent !)

A l'aube du 25 mai 1923, Guillaume Seznec, maßtre de scierie à Morlaix et Pierre Quemeneur, Conseiller Général du FinistÚre quittent Rennes à bord d'une vieille Cadillac, à destination de Paris. Ils espÚrent y négocier la vente de la voiture et d'autres récupérées dans les surplus américains de la PremiÚre Guerre Mondiale. On les apercevra ensemble devant la gare d'Houdan, vers 22 heures. Quemeneur y-a-t-il pris le train pour Paris ? Seznec rentrera seul à Morlaix le lendemain, le voyage ayant été retardé par trop de pannes. On ne revit jamais Quemeneur. A-t-il été tué ? Mais quand ? Et par qui ? Et pour quel motif ? Dissimulation d'un trafic impensable entre la France et la Russie communiste ? Querelle familiale ? ...

Seznec faisait un coupable idĂ©al pour ceux qui voulaient boucler rapidement ce dossier criminel sans cadavre ni preuve. Au terme d'une enquĂȘte trĂšs orientĂ©e, voire truquĂ©e par les policiers, la Cour d'Assises de Quimper condamne Guillaume Seznec aux travaux forcĂ©s Ă  perpĂ©tuitĂ©, la 4 novembre 1924, Ă  une voix de majoritĂ©. Les dĂ©bats se seront dĂ©roulĂ©s dans un climat passionnel d'une rare violence. Seznec quitte la France pour le bagne de Guyanne le 7 avril 1927. Il y restera 20 ans, ne cessant de clamer son innocence mais refusant obstinĂ©ment, malgrĂ© de terribles conditions de dĂ©tention, de demander sa grĂące : "Il n'y a que les coupables qui demandent pardon..."

Une campagne va se développer en Bretagne pour la réhabilitation du condamné, menée par sa femme, sa mÚre, puis sa fille, soutenue par le journaliste Emile Petitcolas, le juge Victor Hervé, Françoise Bosser de la Ligue des Droits de l'Homme et bien
d'autres. En 1934, six des jurés de Quimper regretteront leur verdict et demanderont en vain la révision du procÚs. Lentement, l'opinion publique se retournera en faveur du bagnard qui sera enfin gracié le 2 février 1946 par le Général de Gaulle. De retour en France, Guillaume Seznec est renversé le 14 novembre 1953 par une camionnette dont le conducteur prendra la fuite. Il mourra trois mois plus tard, des suite de "l'accident".

Pendant des annĂ©es, son petit-fils Denis va refaire l'enquĂȘte, rechercher des tĂ©moins et des documents, rouvrir des dossiers officiels, susciter de nouvelles expertises et dĂ©monter la machination dont fut victime son grand-pĂšre. Une requĂȘte en rĂ©vision est dĂ©posĂ©e Ă  la Chancellerie ; elle porte le numĂ©ro 001 et l'on saura dans peu de temps si la justice française est enfin capable de revenir sur "la chose jugĂ©e" en acceptant pour la premiĂšre fois de son histoire la rĂ©vision d'un procĂšs d'Assises, ce que permet dĂ©sormais la loi Seznec votĂ©e le 23 juin 1989 Ă  l'unanimitĂ© des DĂ©putĂ©s et SĂ©nateurs.

Il faut lire "NOUS LES SEZNEC" -Editions Robert Laffont (1992)- , un témoignage bouleversant, passionné et sans haine de Denis Seznec, dédié "à Guillaume et Marie-Jeanne, à leur petite Jeannette, ma mÚre, à ma famille pour qu'elle pardonne et aux français pour qu'ils n'oublient pas".

 
Publié par 69936 4 4 7 le 26 mars 2023 à 8h43.
Portraits
Chanteurs : Tri Yann
Albums : Portraits

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