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Paroles de la chanson «Le Camp Des Russes (p 137)» par Serge Teyssot-Gay

Le camp des Russes est Ă  trois cents mĂštres du nĂŽtre.
Notre passe-temps, cet été-là, ce fut de regarder enterrer les Russes.
Un travail trĂšs monotone.
TraĂźner la charrette pleine de morts.
En tirer les morts.
Jeter les morts dans la fosse.
Recommencer.
Toute la journée comme ça.
Toute la journée à remuer du mort.
Dans cette plaine de soleil et de sable.
Toute la journée à balader cette charrette déglinguée entre le camp et la fosse.
Les vivants qui faisaient cela n'Ă©taient pas beaucoup plus vivants que leurs morts :
Juste la vie qu'il faut pour marcher,
Pour pousser une peu,
Pour tirer une peu.
Des hommes sans regard.
Des hommes sans poids.
Absents de tout.
Et pour les garder, les morts et les presque morts,
Deux sentinelles sifflotantes.
Deux gars qui s'en foutaient.
Faire ça ou autre chose.
Ils se disent que tout compte fait on n'est pas plus mal lĂ  qu'au front.
LĂ , dans le sable et le soleil.

De temps en temps ils gueulaient des menaces.
Ils flanquaient quelques coups de croisse au petit bonheur.
Pas méchamment, plutÎt parce que c'est ça,
Leur boulot.
Et parce que quand mĂȘme il fait bon vivre.
D'ailleurs,
Les injures et les coups,
Ça ne les atteint pas,
Les Russes.
Ils sont comme ça.
Les russes, on se demande bien ce qui pourrait encore les atteindre.
Ils font leurs pas.
Ils font leurs gestes.
Mais ils ne sont plus de ce cÎté-là des choses.
Ils flottent avec une lenteur surnaturelle dans un univers spectral.
Et c'est eux,
Ces vivants,
Qui font qu'on pense Ă  la mort.
Pas les morts.
Les morts sont tell’ment morts qu'ils appartiennent dĂ©jĂ  au monde de la pierre, du bois.
On se dit que c'est lourd,
Que c'est froid,
On n’ se dit pas que c'est de l'homme.
Et puis il y en a trop, des morts.
Un cadavre, ça va.
Devant un cadavre inconnu,
On rĂȘve,
On se répÚte de vieux mots.
Mais quand c'est des morts par pleines charretées,
Par pleines fosses,
Et toute la journée,
Et pendant des jours et des jours,
Alors il n'y a plus pour cela de mots ni d'idées.
On n’ peut plus que regarder.
Des morts tout nus,
Blancs,
Avec leur tĂȘte dĂ©manchĂ©e,
Leurs bras disloqués qui pendent.
Des morts enchevĂȘtrĂ©s,
Et c'Ă©tait toute une affaire que de les dĂ©mĂȘler,
De les déboßter les uns des autres.
Et puis on les mettait sur un brancard.
Leurs bras balançaient de chaque cÎté.
Des morts si maigres,
À n'y pas croire.
Les uns tachés de sang noir,
Ceux que les Allemands avaient tués à la mitrailleuse. Les autres barbouillés d'excréments :
Ceux qui Ă©taient morts de la dysenterie.

Les vivants avançaient à pas de somnambule.
Ils paraissaient se mouvoir dans une substance invisible,
Affreusement Ă©paisse et pesante.
Les vivants avançaient à pas de somnambule.
Ils paraissaient se mouvoir dans une substance invisible,
Affreusement Ă©paisse et pesante.
Les vivants avançaient à pas de somnambule.
Ils paraissaient se mouvoir dans une substance invisible,
Affreusement Ă©paisse et pesante.
Les vivants avançaient à pas de somnambule.
Ils paraissaient se mouvoir dans une substance invisible,
Affreusement Ă©paisse et pesante.
Les vivants avançaient à pas de somnambule.
Ils paraissaient se mouvoir dans une substance invisible,
Affreusement Ă©paisse et pesante.
Les vivants avançaient à pas de somnambule.
Ils paraissaient se mouvoir dans une substance invisible,
Affreusement Ă©paisse et pesante.

 
Publié par 36582 4 4 6 le 17 septembre 2022 à 7h12.
On Croit Qu'on En Est Sorti
Compositeurs : Serge Teyssot-Gay
Chanteurs : Serge Teyssot-Gay
Auteurs : Georges Hyvernaud

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